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Black Sabbath : Black Sabbath (1970)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 29 oct. 2022
  • 4 min de lecture


C'est l'histoire d'un voyage.

L'un des seuls que je m'étais refusé de faire depuis plus de vingt ans,.. par peur ou ignorance.

Peut-être aussi, surtout, parce que mes pas ainsi que mes yeux avaient été guidés par un dirigeable qui traçait dans le ciel. Je l'avais suivi en parcourant ce que je croyais être un escalier qui menait au Paradis, filin tressé d'acier nickelé et de cordes vocales chauffées à blanc; en faisant cela, j'avais volontairement délaissé un sentier boueux recouvert de ronces qui menait aux portes des forges d’Héphaïstos, dans la banlieue nord de Birmingham.


Cette pluie, ce bruit d'orage qui laisse à penser que n'importe quelle racine peut pousser avec un peu de terre et d'eau, je l'ai entendue frapper dans ma tête alors que je préparais un tas de bois pour affronter l'hiver que l'on prédit rude. Je me suis arrêté de fendre, me suis retourné pour voir si, au cas où, l'automne m'avait surpris dans son habit d'ocre et d'humidité poisseuse, mais rien, en retirant mes écouteurs, que le chant des oiseaux et le vrombissement d'une tondeuse conne comme un apéro entre voisins. L'été indien perdurait, et pourtant, j'aurais juré que...


Je retourne à mon billot et mon merlin quand soudain, un putain de triton me saute à la gueule! «Diabolus in musica», rien que ça. Paye ton intro.


C'est drôle, comme les portes s'ouvrent et se ferment, au gré des affinités. J'ai snobé le Sabbath pour deux (mauvaises) raisons:

La première, c'est l'image putassière d'Ozzy Osbourne, vieil ours enfariné jusqu'au trognon qui met en scène son ménage à l'écran et dont on fait précéder le pas de sa réputation de Seigneur des Ténèbres alors qu'il se pare de tous les accessoires d'un rappeur, villa, limo, cave à vin et rombière à bijoux inclus. Cette terrible pose qu'il prend lors des séances photos, la bouche ouverte et l'air faussement méchant, je ne marche pas là-dedans. Ça pue le château gonflable. Non, ce Ozzy de cirque m'exaspère...

La deuxième, c'est l'utilisation outrancière et systématique des «tubes» du groupe que sont Paranoid et Iron Man dans toute la sphère audiovisuelle, mais aussi chez les gens peu consciencieux de laisser un disque tourner jusqu'au bout. Bordel, il faut être réellement diabolique pour bestofiser une soirée en mettant la 2 de celui-ci, la 4 de celui-là... non, ça, je regrette, ça ne se fait pas. Un album, ça s'écoute de la première à la dernière note. Les musiciens, le producteur et parfois même l'ingé son se sont usé les nerfs à donner un semblant d'homogénéité en faisant suivre leurs chansons/bébés dans un ordre, c'est pas pour qu'un David Guetta de camping vienne foutre le merdier en sélectionnant le top du top et jeter aux orties la progression voulue par les artistes...on va où, là? Alors on prends Faust de Gounod et on intervertit les parties en mode balek? Tu vas de Bordeaux à Toulouse en passant par Besançon, parce que c'est stylé, toi? ...mais je m'égare (saint Jean).


Je suis arrivé devant l'atelier par des chemins détournés, parce que ce coquin de Dio m'a montré la route. L'elfe des bois est pour moi le lien ultime entre le lyrisme et la sauvagerie, la blue note qui te fait frissonner la trompe d'Eustache, puis le choc d'une épée rouillée dans la tronche. Heaven and Hell m'avait persuadé que le groupe avait quelque chose de technique, de pertinent à proposer, loin des standards bourrins décérébrés à la Smoke on the water,autre chouette morceau des voisins de palier de l'époque, dont le riff a été monumentalisé jusqu'à la nausée alors que tout le reste est à tomber tellement c'est mieux.

Soit, la flamboyance du lutin bouclé face au vilain petit canard enrhumé m'a fait perdre de vue qu'autour, il y a d'autres métallurgistes qui tiennent sacrément la route: Ward et son jeu teinté de (bon) jazz, Butler et sa basse qui n'en finit jamais de s'enrouler autour du riff, tricotant des solos alors qu'un bassiste est sensé faire «doum doum» en suivant la tonique, et Iommi qui, loin de se cantonner au bébête power-chord, se paye le luxe de créer des sonorités et d'enchaîner les effets de delay et de reverb, dont je n'avais entendu les échos jusque là que chez Brian May sur les deux premiers disques de Queen (petit clin d’œil, ou concomitance des esprits créatifs et ingénierie guitaristique?)

Et il y a finalement autre chose, que j'avais laissé de côté: l'écriture des textes, qui va fouiller autant le roman fantastique que les émotions d'un gars de vingt ans un peu sociopathe sur les bords et qui tente d'exister au milieu de ce monde incompréhensible. La politique et l'angoisse sociale se frottent à l'occulte. Bonsoir, monsieur Lovecraft, bonjour monsieur Tolkien!


Ce qui est dingue, c'est que je suis l'héritier direct de ces quatre zinzins qui martelaient leur bout de métal dans leur coin, et j'ai probablement écouté et aimé la totalité des groupes nés de la fusion de cette forge démoniaque, Tenacious D a su me le faire piger mieux que quiconque, d'ailleurs.

Finalement, toute mon histoire musicale, en tant qu'auditeur et musicien, est liée à Ozzy et ses comparses. Sans le savoir, j'ai creusé le même sillon boueux en regardant le monde tourner sans moi, trop occupé qu'il était à ignorer les rêveurs et les sensibles. Et l'univers médiéval fantastique a accompagné tant de mes nuits que j'en offre une séance gratuite, à la nuit tombée, à mes petits pour les endormir, au lieu de banales histoires de chiens pompiers...


La jonction entre le rock vieillissant et le prog naissant, les envolées folk, les incursions dans le jazz font de cet album un creuset dans lequel Black Sabbath va couler son métal précieux, dérangeant et fascinant à la fois.

Je suppose que les jeunes parents des années 70 ont adoré voir leur progéniture s'enfermer dans leur piaule pour écouter ces messes noires, tout comme les miens regardaient avec des yeux de hiboux leur deuxième rejeton s'abîmer la rétine sur les pochettes de Marilyn Manson ou White Zombie...

Cette même descendance post-hippie qui, aujourd'hui certainement, dirige des entreprises, fait de la politique et propose des lois parfois arbitraires, prend sa retraite après quarante ans d'usine et part finalement en vacances en Dordogne avec le club des aînés du village.

Pardon, Satan, d'avoir douté de toi.

 
 
 

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