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DANNY ELFMAN: B.O. d'Edward aux mains d'argent (1990)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 4 sept. 2019
  • 6 min de lecture

(ou le son que produit la neige de mon enfance)

Très chers petits voyous. Aujourd'hui votre vénérable tonton Toine dévoile un pan de son adolescence qu'il a longtemps caché sous un costume de cuir et de clous. J'ai toujours aimé la musique mécanique, vous savez, ces petites boîtes équipées de lamelles en métal qui égrainent une mélodie simple et entêtante. Les thèmes principaux de Casse-noisette de Tchaïkovsky (1892) ou Le Carnaval des Animaux de Camille Saint Saëns (1886) - notamment la pièce de l'aquarium - hantent ma mémoire depuis si longtemps que j'ai l'impression d'avoir mangé l'une de ces petites boîtes durant mon enfance. Sûr qu'il en va de même pour Danny Elfman, dont l'œuvre tentaculaire est chargée de clins d’œil à l'enfance et son monde magique. Les musiques de films sont souvent un moyen de faire marcher la mémoire, puisque souvent inspirées d’œuvres plus anciennes.



Je suppose que juste après avoir quitté l'école primaire, j'ai découvert les films de Tim Burton, et donc, les illustrations sonores d'Elfman. Et ces deux-là n'en finissent pas de me faire rêver! N'empêche, s'appeler l'homme elfe, non mais sérieusement, si c'est pas de la prédestination, tout ça... Ma rencontre avec sa musique a commencé avec Beetlejuice (1988), puis Batman (1989), dont les pompes de cordes et de cuivres ont inauguré l'une des marques de fabrique de Danny Elfman. Je n'avais pas encore visionné Pee Wee's big adventure (1987), leur première collaboration. J'avais très tôt reconnu sa patte sur le générique de la série animée Les Simpson, dont les pompes aux cuivres rappellent l'homme chauve-souris. Puis vint l’œuvre considérée comme la plus personnelle des deux amis créateurs, Edward aux mains d'argent en 1990. Cette histoire imaginée depuis longtemps par Burton et Caroline Thompson est une sorte de Pinnochio, transposé dans un univers gothique, où l'esprit génialement tordu de l'ancien animateur de chez Disney rend un vibrant hommage au monstre de Frankenstein, imaginé par Mary Shelley en 1818 sous le titre Frankenstein ou le Prométhée moderne, là aussi une résurgence de la littérature classique, Hésiode faisant apparaître le titan qui vola le feu aux dieux pou l'offrir aux hommes dans sa Théogonie au VIIème siècle avant J.C.



Le héros, Edward, est une créature humanoïde qui devient orpheline de son créateur au moment où elle se voit offrir de vraies mains. Le pauvre enfant-robot se retrouve seul dans le manoir de son « père » (l'excellent Vincent Price, jouant-là son dernier rôle), isolé au milieu d'un apprentissage sur la gestion des émotions humaines et incapable de communiquer avec le monde «civilisé», lieu de la critique acide de Burton, justement. Le réal règle ici ses comptes avec l'American Way of Life qui tue l'imaginaire et met en avant l'instinct de troupeau de la société moderne. La chasse au monstre est traitée à la fin du film comme les habitants du village de Frankenstein qui assiègent le château avec torches et fourches affûtées. Burton raffole de ce thème des Freaks, incontrôlables et cultive l'art de la différence. Il n'est pas rare de voir ici ou là (au pub du coin, souvent) des soirées apéro-quiz avec un blind-test musical dont la réponse est invariablement: Pirates des Caraïbes, Star Wars, Harry Potter ou la trilogie du Dollar... En même temps, il est devenu facile de reconnaître la pattoune d'un Hans Zimmer, John Williams ou Ennio Morricone, (quoique pour The Thing qu'il a composé pour John Carpenter, c'est pas si simple à deviner... on croirait presque le réalisateur lui-même aux claviers!). Ces quelques grands compositeurs sont reconnaissables et les fans de films de genre sont tout aussi pointus sur la bande originale que sur le casting de leurs métrages préférés. Monsieur Basil Poledouris a acquis une immense notoriété auprès des geeks du monde entier avec Conan en 1982. (Salut, Antoine!) Bref, les auditeurs ont souvent tendance à citer le nom du film ou du réal pour un titre ou même son compositeur, et rarement l'inverse. Je m'en suis rendu compte récemment lors d'une discussion tournant autour de L'étrange Noël de Mr Jack (1993) où, déjà, j'ai eu du mal à convaincre que non, Burton n'en est pas le réalisateur, même si tout l'univers du film est issu de sa fabrique à rêver... Les sens auditif et visuel sont inextricablement liés et donnent souvent l'impression que l'un ne fonctionnerait pas sans l'autre. D'ailleurs, si Burton n'est pas aux commandes des caméras, Danny Elfman en a composé tout le score, allant même jusqu'à interpréter trois personnages, dont le héros, Jack Skellington, dans ses chansons. Avec un certain charisme. La confusion du réal peut venir de là. Du coup, on salue Henry Selick qui est le vrai réalisateur du film d'animation.


Bref, on sent la fine main du compositeur qui va illustrer Edward aux mains d'argent, et cela dès la scène d'introduction, entre la neige sur le logo de la 20th Century Fox, le fameux décor intérieur du manoir abandonné et le casting qui défile dans un long plan séquence. L'ambiance gothique et poétique est mise en place. On note l'utilisation massive des violons et du chœur féminin, mais surtout mon cœur se serre lorsque résonne le célesta, instrument inventé en 1886 par Auguste-Victor Mustel, qui rappelle sans aucun doute les boîtes à musique que l'on remonte. L'instrument, drôle de mix entre un glockenspiel et un piano, est souvent utilisé pour introduire un thème qui deviendra récurrent. Souviens-toi de l'intro de Harry Potter à l'école des sorciers, un exemple typique!


Le thème principal est simplement sublime, un léger «Oooooooh» qui reprend plus fort et plus loin dans le romantisme au fil des reprises. Elfman convient lui-même qu'il s'agit de sa partition la plus personnelle et la plus aboutie. Tout au long du film, Elfman déploie toute sa panoplie de compositeur, faisant encore ça et là un clin d’œil au maître Nino Rota (compagnon de Fellini, responsable de la B.O du Parrain, entre autres), lorsqu'il s'agit de décrire la banlieue aseptisée tout en pastels et ses habitants tout aussi quelconques et interchangeables. Le choc des cultures est visible, de la luminosité sous filtre coloré de l'extérieur à la sombre et triste ambiance régnant au manoir de l'inventeur, mais il est incroyablement appuyé par la bande son, les morceau The castle on the hill et Beautiful new world / Home sweet home en sont les parfaits exemples. On passe d'une zone sombre à la découverte enfantine, puis à nouveau un moment de romantisme où l'on devine déjà un amour impossible à vivre. De temps en temps, l'humour et la virtuosité se mêlent, notamment lors de la scène où Edward devient le coiffeur attitré de toutes les femmes du quartier de Peg. La partition est juste parfaite, et le montage est efficace. Et l'hommage au Barbier de Séville de Rossini termine de nous convaincre que le bougre connaît ses classiques. Il en a bouffé, du disque, lui aussi, croyez-moi! Elfman a parfaitement digéré la puissance visuelle de Burton et le transcrit à travers l'orchestration en deux minutes à peine. Toute la B.O est du même tonneau et je suis en mesure de dire que Danny Elfman nous a tous pris par le cœur en composant cela.


Chose curieuse, rien ne laissait penser qu'il prendrait cette direction au début de sa carrière. En effet, il entra dans le monde de la musique par la porte bariolée de la pop en 1973 avec son groupe Oingo Boingo (le nom complet est The Mystic Knights of Oingo Boingo, mais on a vite laissé le côté chevalerie et tout le bazar) en compagnie de son frère Richard. Danny prendra la tête du groupe en 76, signant quelques morceaux qui auront traversé et corrompu les esprits dont le mien, puisque je suis resté scotché au film Une créature de rêve (Weird science) dont le groupe signe le générique en 1985. Ce film sera la base de la série Code Lisa en 90 qui contaminera tout mon collège. Dans mon esprit génial, j'étais le seul à avoir vu la genèse du show, ayant englouti la cassette VHS une vingtaine de fois. Les hormones, sans doute. Écoutez de toute urgence Nasty Habits et dites-moi qu'il n'y a rien qui sonne comme le générique des Simpson, je me mettrai moi-même en P.L.S.



Ce groupe perdurera jusqu'en 95 et on entendra leurs titres dans des œuvres filmiques plus ou moins réussies, comme Teen Wolf 2, SOS Fantômes 2, Massacre à la tronçonneuse 2... on dirait que le groupe aime particulièrement les suites de seconde zone. Je découvre sur le tard Oingo Boingo, mais la patate et la richesse des créations me rappellent autant The Filaments que Madness ou certains éclairs de Frank Zappa. Sur scène, Danny Elfman prend des airs de Jello Biafra (chanteur de Dead Kennedys) et interprète ses chansons de manière physique. Le compositeur fera appel à quelques anciens collaborateurs (Steve Bartek par exemple) pour écrire les chansons des Oompas Loompas dans Charlie et la Chocolaterie (2005).

Danny Elfman est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands compositeurs de son époque, et cela grâce à Tim Burton qui lui donna sa chance après l'avoir vu en concert au début des années 80. Sans ce coup de pouce, jamais on aurait eu la chance de connaître son talent. La foultitude de films qu'il a accompagnés est là pour en témoigner, de Dick Tracy à Spiderman, en passant par Evil dead 3, l'impeccable Will Hunting, Men in Black, Super Nacho (avec Jack Black, les copains!), Avengers, et même la trilogie Cinquante nuances de Grey. Faites votre marché, y a peu de déchets. Mais parmi sa filmographie pharaonique, une seule partition peut encore m'émouvoir à chaque fois, c'est bien Edward aux mains d'argent. La magie et le conte font toujours partie de notre vie, même au milieu de ce foutu XXIème siècle.

Rêvez, vous en avez besoin!

 
 
 

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