PAT SMEAR (1959 - court toujours)
- Tonton Touane
- 15 oct. 2020
- 5 min de lecture
...la revanche de l'outsider

S'il y a un sujet que j'évite soigneusement depuis la création de mes chroniques, soit trois ans et environ trente papiers numériques, c'est en partie parce que je me sens incapable d'aborder ce monument toujours en construction qu'est Foo Fighters sans tomber dans les poncifs éculés (va chercher un dico si besoin, cet article est sponso Hachette et Doliprane). Certes, ce groupe formé en 1995 par Dave Fuckin' Grohl a dès le début rendu hommage à tous les sous-genres du rock et à ses légendes (nous y reviendrons dans un prochain larmoyant et flamboyant épisode), mais il y a un lien fort qui unit le frontman hyperactif au troisième(!) guitariste du groupe. Mais siii, tu sais, le gros métis qui sourit tout le temps comme un mec qui a oublié d'être grunge et qui refuse de prendre le moindre solo? Il s'appelle Georg Albert Ruthenberg, mais il est plus connu sous le nom de Pat Smear.
Dave Grohl a fait venir l'une de ses idoles dans son petit projet rock. Deux fois.
Ce mec était prédestiné à devenir un anti-héros : né en 1959 d'un père juif Allemand émigré pendant la guerre et d'une maman Afro-américaine ET Amérindienne, le bébé a toutes les chances de pas réussir dans l'Amérique de Ronald Reagan (alors imaginez sous le règne de « Fake news » Trump...). Sauf que l'histoire se passe à Los Angeles, la ville de tous les possibles.
Dès l'âge de cinq ans, Georg est forcé d'étudier le piano, mais il va se tourner naturellement vers la guitare et bosser les bases en autodidacte. À l'âge de treize ans, il quitte la maison familiale pour entrer dans une communauté chrétienne. Il intégrera une école alternative d'où il se fera finalement virer avec son pote Jan Paul Beahm, pour mauvais comportement, lavage de cerveaux et abus de LSD... leur passion commune pour les stars comme David Bowie, Queen et autres Iggy Pop vont les amener à les suivre en ville comme des maniaques dans les hôtels et les rues commerçantes...un peu creepy, comme hobby, trouvez pas?
Les deux garnement vont endosser les pseudos Pat Smear et Darby Crash et monter en 76 un groupe de punk-rock qui deviendra légendaire : the Germs.
En compagnie de Lorna Doom à la basse et Don Bolles aux fûts, le quatuor va malmener les salles de concert pendant quatre ans, provoquant bagarres, acouphènes et gueules de bois en ébène. Hormis le guitariste, ils ne savent manifestement pas jouer en live, le rythme se barre tous les trois temps et le chanteur ne sait simplement pas diriger la main qui tient son micro...bref, c'est du proto-punk californien. L'ambiance violemment chaotique des concerts va leur donner une aura qui attirera le public et tiendra à distance ses détracteurs. Un peu comme les lunettes de Gims, mais en plus efficace. Le groupe publiera un seul album, (GI) (avec les parenthèses, tout ça tout bien comme les noms mystérieux et artistiques). Ils participeront au film The Decline of Western Civilization, sorti en 81, en compagnie de Black Flag, X, Alice Bag Band, the Circle Jerks, Catholic Discipline et Fear. Va voir ce documentaire, il va saccager ton adolescence et tes enfants ne te sembleront jamais bizarres.
À la mort pas du tout accidentelle de son pote Darby Crash, Smear enchaîne les CDD, notamment chez 45 Grave, un groupe de deathrock qui est aujourd'hui considéré comme (excusez du peu) l'archétype du rock gothique américain. Ils figureront dans le Blade Runner de Ridley Scott en 1981. Pat apparaîtra également dans Howard the duck en 86, le plus chelou des films Marvel. Mais c'est une autre histoire.
Smear prend le temps de sortir deux albums en solo, Ruthensmear en 88 et So you fell in love with a musician en 92 (j'adore ce titre, il aurait pu figurer dans la discographie d'Elvis Costello) et se retrouve à l'occasion devant les caméras de cinéma ou de télévision (il apparaît dans la série C.H.I.P.S, ouais ouais!), vend des téléphones et prend même un job de réceptionniste dans un hôtel de L.A...mais sûrement pas celui où descendait Freddie Mercury, je suppose qu'il y était persona non grata.
Lors d'un tournage, il fait la connaissance d'une comédienne/chanteuse/fouteuse de merde qui a pour nom Courtney Love, ils deviennent de suite super copines et, en 93, Pat reçoit un coup de fil qui va de nouveau changer sa vie, Kurt Cobain lui demande s'il veut bien venir faire de la guitare avec lui dans Nirvana.
Voilà voilà, je pose ça là et je vais aller pleurer dans ma chambre.
Pat fait sa première apparition avec le trio le plus connu du monde des 90's dans l'émission Saturday Night Live le 25 septembre 93 et va participer à l'enregistrement de plusieurs albums live, dont le fameux Unplugged in New York en novembre de la même année. Il assure la rythmique et prend les chœurs quand Dave Grohl est trop occupé à martyriser son kit de batterie.
Les deux gratteux partagent une même passion pour le maquillage, les fringues de filles et le romantisme destructeur exprimé dans les chansons (j'ai entendu des similitudes entre So you fell et certains titres de In Utero). Pour le batteur de Nirvana, Pat Smear a été la bouée de sauvetage du groupe, ni plus, ni putain de moins.
Mais en avril 1994, le leader de cette bombe atomique sonore et sociale se crucifie d'un coup de calibre 20 et laisse femme, enfant, groupe et le monde entier qui avait fait de lui un héros, alors qu'il voulait juste faire du rock. Enfin, on ne peut malheureusement contenter tous les connards de la Terre. L'existence-même de Nirvana ne pouvant continuer, les membres restants vont s'isoler, déprimer, panser leurs plaies, et le premier à dégainer un truc valable est Grohl, en 1995, qui va promouvoir son premier album solo post-Nirvana avec une tournée , et qui qui c'est qu'il va prendre avec lui dans le van? Ce bon vieux Pat, tiens!
L'aventure recommence avec les Foo Fighters qui vont enchaîner deux années de concerts, et après le deuxième effort, The Colour and the Shape en 97, Smear est rincé. Il ne peut supporter un rythme aussi soutenu et va quitter le groupe. Il va se tourner vers la télévision où il occupera plusieurs postes de consultant artistique, superviser un biopic sur the Germs qui s'intitule What we do is Secret (sorti en 2007) et s'offrira quelques concerts de réunion de son ancienne formation (avec un chanteur vivant, cette fois, et moins déglingué, quand même).
Mais après un hiatus réconfortant, Pat aura envie de se remettre en danger et rejoindra Grohl et sa bande pour quelques dates, et encore, jamais un concert en entier, entre 2005 et 2009, puis reprendra le chemin des studios pour enregistrer avec sa famille de Foos Wasting lights publié en 2011. Il fait toujours partie de l'équipe, à l'heure où j'écris cette chronique. Mais Pat est un feu follet, il a maintenant 61 ans et n'a plus rien à prouver, si tant est qu'il ait eu un jour quoi que ce soit à prouver.
En 2012, le film documentaire Sound City retrace l'histoire du studio où ont été enregistré de nombreuses albums rock et country, notamment Nevermind (rayon country, bien sûr!) et pour l'occase, Nirvana se reforme avec un p'tit nouveau au chant et à la gratte, Sir Paul Mc Cartney. Okay, la vie de Pat Smear est un peu classe.
Comments