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PHILIPPE CHATEL - Emilie Jolie (1979)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 8 juin 2021
  • 6 min de lecture

(et le pouvoir des contes)



Mes amis, j'ai toujours eu un rêve secret – non, pas de me travestir en Dalida, c'est surfait et ça me boudine. Non.

Depuis ma plus tendre enfance, l'envie de chanter en duo avec une vedette me tord les tripes et plus d'un millier de fois, je me suis réveillé satisfait d'avoir partagé un moment inoubliable en studio ou sur une scène avec tel ou tel artiste, en fonction de mon âge et des posters aux murs de ma chambre. La raison en est toute simple, j'ai été bercé par un conte musical qui ne m'a pas laissé indifférent.

Et je l'ai précieusement gardé, dans ma tête et dans ma collection de disques, ce conte, jusqu'à l'arrivée de mon petit bout d'homme.


Philippe Chatel nous a quitté il y a quelques semaines, le 19 Février dernier, et mis à part quelques infos passées entre deux annonces gouvernementales et trois pubs pour dentier gyroscopique à transmission variable, aucun hommage digne de ce nom ne lui a été rendu. J'offre donc cette modeste chronique au créateur de ma première (ex æquo) aventure musicale fantastique.

Oui, je parlerai un jour du merveilleux voyage en tatane volante de Marie-Rose, interprétée par une Chantal Goya pas encore flippante... quoique.

Le disque Émilie jolie, c'est d'abord une mélodie. Celle jouée au piano par Jean-Louis Bucchi sur l'intro, lorsque le narrateur Henri Salvador entre en scène. Cette même mélodie reviendra lors de la chanson d’Émilie jolie et du grand oiseau. C'est le même genre d'intro du genre boîte à musique que tu retrouves dans le film Harry Potter à l'école des sorciers, le genre que tu gardes toute une vie en tête. Evidemment, Chatel n'est pas le précurseur, Camille Saint-Saëns et Tchaïkovski avant lui ont usé de ce concept pour évoquer l'enfance et la fragilité, le rêve et le magique. Au cinoche, outre John Williams qui compose l'air du petit sorcier binoclard, on a l'impayable Danny Elfman dont je parle dans un précédent papelard émouvant et romantique (abonne-toi).



J'te fais le pitch : Une petite fille prénommée Emilie est toute seule dans une chambre vide, ses parents sont sortis et elle ne trouve pas le sommeil, car elle a peur dans le noir. Soudain, il lui semble entendre des voix chanter, ce sont les personnages de son livre qui voudraient bien la consoler. Ces voix l'invitent à jeter un œil à la première page, et Emilie se retrouve plongée dans un décor de conte.

Jumanji, L'histoire sans fin, Alice au pays de merveilles, Final Fantasy, Fight club... attends, je m'égare. T'es sûr? Bon.

Nous allons assister à un défilé de quêtes plus ou moins épiques qui vont occuper la gamine pendant plus d'une plombe et l'aider à oublier son chagrin. Je fais pareil avec Skyrim, lors des longues soirées d'hiver confiné. Le monde imaginaire est tellement plus rassurant que celui dans lequel on doit s'arrêter de sauver le monde pour faire caca.

Donc, Emilie rencontre la compagnie des Lapins bleus et leur représentant syndical, c'est Robert Charlebois, rocker à toque de fourrure du Québec qui a eu un immense succès en France dans les années 70/80. Il faut leur trouver un moyen de ne pas s'enrhumer quand il pleut. Sinon, ben... ils vont éternuer et devenir rouges, ce qui met un peu le seum quand on est un lapin bleu.

Puis, elle va voir le beau Julien Clerc tout en plumes, qui lui offre son premier duo de petite fille. La classe à Dallas. C'est ce titre-là qu'on apprend à l'école et qu'on garde précieusement au fond de soi pour le jour où l'on en a assez d'être un adulte responsable. Ça et un bol de chocolat chaud. Laissez-moi tranquille, j'ai huit ans pendant quatre minutes. Je glisse ici une accolade au bassiste de l'album, Bernard Paganotti. Big up à toi, gros.



Au fil des pages, elle va découvrir une autruche qui rêve de paillettes sur une scène de cabaret, une sorcière qui effraie, mais en secret attend son grand amour - nouvelle quête acceptée – puis des baleines de parapluie. Là, je bloque. Comment tu parles à des baleines de parapluie? Un parapluie entier, c'était pas possible, non? La pitchoune va inviter le gang des Lapins Bleus dans la page pour s'abriter de la pluie, mais si je regarde l'objet que je tiens dans la main, c'est pas les baleines qui protègent, mais la toile. Enfin, je chipote, pardon, mais si j'enlève le tissu du machin, là, les lapinous, ils vont crever de pneumonie, voilà tout. Bref ça marche (le fameux « Ta gueule, c'est magique », comme quand Leïa fait de la brasse coulée dans l'espace... mouais.) et les poilus rentrent chez eux de la bonne couleur, au sec.

La suite, la suite, c'est Georges Brassens. Pardon, un hérisson. Joué par Brassens, tu peux pas avoir autre chose que du Brassens. Bon, même s'il chante trois phrases et demie... on profite du bonhomme, hein.

Il râle (tiens, c'est étonnant) car il pique et personne ne veut le caresser, mais Emilie veut bien le rendre heureux et le... non, c'est dégueulasse, j'arrête.

Tonton Georges finit quand-même sa chanson par un «Pom Pom» des familles, dont j'ai gardé l'habitude de garnir mes chansons, pour finir par une pirouette stylée lorsque je suis en famille. Il est vrai que sur la scène d'un festival antifasciste à Genève devant 1600 punks, le «Pom Pom» devient... pour le moins incongru. Du coup je criais «Oi! Oi!», c'est plus dans le ton. Haha.



La petite blonde rencontre un Extra-terrestre fan de musique électro. Son nom A440 est une référence à la fréquence (440Hz) de la note La (A en notation internationale) utilisée pour accorder les instruments (mais pas les maracas). Voilà voilà. Toi aussi, brille en société grâce à Tonton Toine et Wikipédia, un peu.

Un petit caillou abandonné par le Petit Poucet s'ennuie dans la forêt et, en bonne copine, miss bouclette le ramasse et le met dans sa poche. Bravo, à la fin de l'histoire, elle aura le futal sur les cheville. Je parle d'expérience, je collectionnais les «pierres précieuses» lors de mes balades à la campagne. J'te raconte pas la gueule de ma daronne quand elle sortait le linge de tambour. Comme un lapin bleu sans parapluie, voilà.

Un peu plus loin, un coq et un âne se partagent les mots de chaque phrase, puisqu'il s'agit de Souchy et Voulzon, enfin t'auras reconnu, le duo de choc qui ne sait pas faire autrement que faire à deux ce que Brassens faisait tout seul. Bim.

Dans la chanson, je me souviens avoir été choqué et amusé, c'est la première fois que j'entendais «on s'en fout» sur un disque quand j'étais gamin. C'est drôle, parce que maintenant, à 6 ans, tu as acquis toute la nomenclature des gros mots et insultes sur un seul disque entre deux Tchoupi et Pat'Patrouille. Mais je suis désormais un vieux con.

La chanson du loup d' Eddy Mitchell me plaisait beaucoup, puisque cette fois-ci, le loup se faisait tabasser par la vieille au lieu de la boulotter salement avec de la sauce samouraï. La partie instrumentale me rappelle le morceau Sans dèc' de Renaud, quand j'y repense. Il aurait été bien, le mister Renard, en loup, quand-même... Mais Monsieur Eddy, il offre une classe supérieure, faut bien l'avouer.



Puis vient la chanson du raton-laveur rêveur interprété par Louis Chédid, le fils d'André, papa de Mathieu et arrière petit-neveu d'une dame d'un peu plus loin. Ce pauvre procyon lotor (toi aussi, étudie la faune comme un savant) en a assez d'être noir et blanc et rêve d'avoir de nouvelles couleurs. Alors il chouine en musique et la gosse Émilie lui prête le rose de ses joues, le blond de ses cheveux et le bleu de ses yeux. Si tu veux mon avis, avec ce camouflage de drag queen, ça va pas être fastoche d'échapper aux braconniers des forêts canadiennes. C'est ce bon vieux Charlebois qui va pouvoir s'en payer, une belle toque joyeuse pour ses soirées Dalida!

Enfin, je note au passage que dans une comédie musicale comme ailleurs, Louis Chédid ne m'arrache pas de sensations extraordinaires. J'veux dire : il sait jouer de la guitare, il sait chanter juste et écrit correctement, mais il m'ennuie. Il est en noir et blanc. Voilà, déso, l'amigo, je savais pas quand te dire ça, mais j'ai grandi en passant à côté de ton talent. J'ai préféré le fiston, du coup.

Et c'est presque la fin, sauf que la quête principale n'est pas terminée. Émilie doit trouver un mec à la sorcière et il n'est nulle part dans son livre. Alors, le conteur Salvador va user de son pouvoir omniscient pour dessiner un prince charmant à partir d'une page blanche et l'aventure peut enfin s'achever par une galoche de militaire rentrant du front pour faire repartir la courbe démographique. Quoi ? Qui joue le rôle du beau gosse ? Ben Philippe Chatel himself, œuf corse! Il n'allait quand-même pas jouer un caillou à la con ou un ragondin névrosé...

La Chanson finale est confiée à Rafiki... pardon, Henri Salvador (aux intonations Léo Ferresques) qui affirme que les personnages suivront longtemps la petite Émilie (et l'auditeur par la même occasion) pour la rassurer quand elle se sentira seule. Ce sera à elle d'en faire la demande.



Il existe un mode d'emploi très simple pour éviter la peur enfantine, c'est d'ouvrir un livre.

Et c'est sur un dernier conseil maison que le livre se referme :

« Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore pas votre rêve ».

J'ai longtemps suivi ce conseil et aujourd'hui, je peux sentir si une personne en face de moi a reçu cet enseignement rempli de sagesse.

Finalement, le monde se divise en deux catégories : celui qui a une imagination chargée, et celui qui creuse.

Et toi, tu creuses?







 
 
 

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