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PINK FLOYD: The Division Bell (1994)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 6 août 2019
  • 8 min de lecture

(ou le jour où j'ai ouvert la porte sur l'Univers progressif)


Aaaaah bon sang! Combien d'hectolitres d'encre auront coulé sur un sujet aussi vaste et passionnant que Pink Floyd! Combien de critiques dithyrambiques, combien de débats houleux sur le classement de leurs trois meilleurs albums/titres/solos de guitare... Le Floyd est à plus d'un titre un groupe d'influence majeure comme l'ont pu être les Beatles pour la pop, les Rolling Stones pour le rock, les Ramones pour le punk, ou encore les excellents King Crimson (plus proches du sujet, ici, mais restés confinés dans le milieu rock progressif).

A la création de l'Univers, Syd Barrett (guitare/chant) forme avec Richard Wright (claviers), Roger Waters (basse) et Nick Mason (batterie) une bande de zicos férus d'images psychédéliques, de sciences et... de drogues multicolores. Nous sommes au milieu des années 60 et le LSD fait fureur chez les jeunes chevelus.

La carrière du groupe démarre fort avec un album pop-psyché, The piper at the gates of dawn en 67, suivi d'une tournée avec Jimi Hendrix (entre autres), qui ouvre au groupe les gigantesques portes de la notoriété, mais dès l'année 68, le comportement erratique du principal compositeur du groupe Syd Barrett impose aux autres membres l'idée d'embaucher son ami d'enfance, David Gilmour pour le seconder. Pendant deux ans, le nouveau venu va avoir la lourde tâche d'assurer les parties guitare et le chant pendant que le chef de meute oublie où il fout les pieds et joue la même note sur scène pendant une heure trente... les joies d'un trip sous acide... Suite au départ inéluctable de son créateur, Pink Floyd se retrouve sans personne à la barre et Roger Waters va prendre les commandes, mais alors, v'là comment! En à peine un an, il transforme le groupe en une boîte à outils, un laboratoire sonore vivant qui va nous offrir quand même des monuments comme Atom Hearth Mother (dont Stanley Kubrick demandera un extrait pour illustration sonore de son chef-d’œuvre Orange Mécanique), The Dark Side of the Moon ou The Wall. Une chronique de deux pages ne suffirait pas à effleurer l'écorce de ces gigantesques baobabs, mais le temps est venu de vous parler de ma rencontre avec Pink Floyd. Je vous rappelle que je suis né dans les années 80, et qu'à ce titre, seuls quelques morceaux sont parvenus jusqu'à moi par le biais des radios grand public (Money, Another brick in the Wall-part II), mais même si mon cher papa connaissait et appréciait le groupe britannique, il préférait me faire écouter ses 33tours des Beatles, Moody Blues, Julien Clerc et autres Gérard Lenorman. La vente par correspondance va réparer ce tort. Merci le Club Dial. En 1994 sort The Division Bell et mon frangin, quatre ans plus âgé, passe une opportune commande pour agrémenter notre discothèque balbutiante. Ce disque va juste devenir l'indéfectible lien culturel entre notre géniteur et nous. Rien que ça, bitch. Alors voilà la situation: le quatorzième album des Floyd est critiqué, voire conspué par ses fans les plus hardcore et comme il arrive sept ans après son prédécesseur (A Momentary Lapse of Reason), c'est ma porte d'entrée vers le monde du rock progressif, les ambiances planantes, tout le cirque intello sur lequel plane une aura démesurée. En effet, à la sortie de cette galette, l'industrie de la musique et ses «consommateurs» retiennent leur souffle. Moi, j'ai douze ans et je mets le cd sur la platine familiale entre The Score des Fugees et Spaghetti Incident des Guns... Qu'en est-il, à vrai dire?

Déjà, il est à noter que les compositions sont presque toutes signées Gilmour, musique et paroles, souvent épaulé par sa compagne écrivaine, Polly Samson. Où est passé le grand chef démiurge Roger Waters, bordel à nouille? Celui qui a écrit, façonné et dirigé les plus grandes œuvres du groupe s'est tout simplement barré du vaisseau en 85, estimant qu'il n'avait plus aucune raison d'être. Après une bagarre juridique pour conserver le nom de Pink Floyd, Gilmour, Mason et Wright se paient un album pour eux... et pour leur public. Chose impensable auparavant, les créations du Floyd post-Waters vont ressembler à du rock des années 80, un peu pompeux, un poil «stadium», très peu barré (qui a dit Barrett?). Pourtant, les quatre premiers titres laissent une très belle impression.



Cluster One est une intro simplement magnifique. Lors de mes premières écoutes (et encore aujourd'hui), il me semble entendre un homme qui rejoint sa cabane en bois, perdue dans la montagne, sous un orage automnal. Les envolées lyriques de la Stratocaster de Gilmour, soutenues par des claviers pesants et planants, font de ma rencontre avec cette musique du troisième type une expérience unique! Rien n'aurait pu remplacer cette entame de disque entièrement instrumentale. Rien, vous dis-je. Ceci est, je l'apprendrai bien plus tard, la signature du Floyd, et malheureusement l'un des rares pics de génie de cet album. What do you want from me surprend par l'arrivée de la section rythmique. Le groove est là, la batterie est bien présente et j'entends la voix du gars David, qui gueule ses paroles sans technique particulière, mais qui a au moins le mérite de chanter juste, sans Auto-tune. Contrairement à la moitié de la prod actuelle. A l'époque, je me suis dit que le chanteur était malade et avait donc été remplacé par un plombier-chauffagiste qui passait dans le coin. En même temps, j'étais habitué aux vibratos et falsettos des maîtres Mercury (Queen) ou Ian Gillan (Deep Purple) et... je vais pas tarder à balancer une théorie fumeuse sur les guitaristes/chanteurs qui ne peuvent pas exceller dans les deux domaines à la fois. (Salut, Mark Knopfler!) Enfin, on écoute le quatuor anglais pour ses prouesses instrumentales, moins pour ses vocalises. Poles Apart est une chanson qui me faisait une drôle d'impression, avec cette coupure en plein milieu, comme ce genre de cirque déglingué qui déboule à midi au milieu du village de campagne... et ces cloches qui résonnent déjà. Je les entendrai à la fin du disque, ce qui me fait découvrir par ailleurs le concept-album, où des sonorités viennent jalonner les pistes pour donner une impression de cohésion. Encore que là, sur cet effort de 94, le terme «concept album» est à prendre avec des pincettes, le groupe ayant fait beaucoup plus conceptuel, justement sous la houlette de Waters. Marooned est le deuxième titre instrumental du voyage. Grâce à l'utilisation d'une pédale d'effet de guitare, le son du solo est juste incroyable. La pureté de notes et le changement d'octave participe à l'élévation de l'âme de l'auditeur (rien que ça!). Le Floyd est habitué aux ambiances, n'oublions pas que les bougres ont signé quelques O.S.T (bandes originales de films) majestueuses pour Barbet Schroeder, Michelangelo Antonioni, ce qui n'est pas encore arrivé à JUL, qui pourtant cherche à nous ambiancer grave...

A great day for Freedom est un slow langoureux à la Scorpions si on ne tient pas compte des paroles, mais je sais que tout le monde se passionne pour la signification du message, puisque la plupart du temps, le chant est dans la langue de Shakespeare... ah non? Les gens s'en contrebranlent? Y a que moi que ça intéresse. Bon. Passons à la suivante, et là, je serre les miches.

Wearing the inside out comporte tout ce que je déteste dans la musique des années 80-90: des percus sous-mixées, du saxophone sur des nappes de synthé et un chant pluvieux à en mourir... le retour gagnant de Richard Wright au chant principal, je l'en remercie du fond de ma dépression. L'ambiance me rappelle déjà tout jeune ces polars sombres où le détective privé alcoolique enquête sous la pluie et ressasse tout le temps le départ de sa fiancée. Chapeau et imperméable de rigueur, flask de vouisky et cigarette à bout doré conseillés. Corde vendue séparément. Si ce titre n'était pas sur l'album, je jurerais qu'il s'agit d'un autre groupe que Pink Floyd à ce moment-là... parole! Et juste au moment où, furieux, je m'apprête à changer de disque, une intro de U2 retient mon attention. Keeeeeuuuuaaaa, me dis-je? The Edge et Bono ont fini leur tequila sunrise sur leur plage privée à Cabo et viennent pousser la chansonnette avec le Floyd? Ah ben non, c'est Gilmour qui s'éclate à passer des «cocottes» qui rappellent à chaque coup n'importe quel titre d'Achtung Baby des Irlandais. Ouf! A cette époque il n'aurait pas été surprenant de les voir s'incruster dans une énième production pour remplir leur caddie de royalties.

Take it back est le type de chanson calibrée pour les stades, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi, mais qui fait tout de même lever le sourcil quand on connaît les habitudes bien perchées du combo de Cambridge. Encore une fois, Barrett et Waters ne sont plus là, alors David Gilmour et ses comparses osent faire des chansons, point.

D'ailleurs, Coming back to life est, à peu de choses près, un morceau taillé pour la scène également, avec son écho sur la voix et son côté «facile». Pourtant, celui-ci m'émeut plus que le précédent par ses paroles. En effet, là, on baigne à fond dans le thème principal de l'album: la communication et les difficultés d'avancer dans une relation où tout est biaisé par la rancœur dans un couple... ou un groupe. Difficile de ne pas imaginer les règlements de comptes entre les membres du Floyd dans la plupart des titres de ce Division Bell. La référence à la cloche du Parlement Britannique (qui sonne traditionnellement au moment du vote d'une résolution) n'est pas anodine. Juste pour revenir au bouzin, la fin me semble un peu bâclée, comme si les gars s'étaient dit, «Bon, à la fin, on termine avec un solo et pis quand j'ai fini, on file sur quatre mesures et on s'arrête, et voilà. Fin de journée, allons au pub»... Merde, on dirait franchement une démo, là. La magie de Pink Floyd revient en force avec Keep Talking, morceau stellaire qui inclut la voix digitalisée de Stephen Hawking, le physicien théoricien le plus célèbre de la planète, décédé en 2018. Cette collaboration n'est en fait qu'un sample utilisé par Gilmour qui avait été ému par une pub à la téloche... qui parle de communication, voilà le thème qui revient à nouveau. Bravo le veau. Question sample, le chanteur guitariste nous a réservé une autre belle pièce, puisque dans Rattle that Lock, sorti en 2015, on peut entendre... le jingle de la SNCF. Si si.

De la guitare acoustique et de l'orgue Hammond, une rythmique folk (presque américaine) et voilà Lost for words, une chanson bien troussée, loin de la surenchère de choristes et d'effets. La voix, et donc le texte, sont largement mis en avant, sûrement motivés par les tensions connues autrefois au sein du groupe. Gilmour, Mason et Wright règlent leurs comptes avec le passé et sourient au futur, lâchant une phrase-clé juste à la fin: «Alors j'ouvre la porte à mes ennemis et demande si l'on peut effacer l'ardoise, mais ils me répondent d'aller me faire mettre...tu sais que tu ne peux pas gagner». C'est ainsi, le temps passe et les traces restent malgré nos efforts. Alors il ne reste que l'espoir. High Hopes est justement le dernier mouvement de cet essai sonore, cette thérapie par le disque qui ne soldera pas tous les problèmes rencontrés par un groupe vieux de trente ans... Mais quel titre! Cette chanson est un beau final pour un album un poil inégal, mais majeur dans ma discothèque perso. La poésie y est grandiloquente. Musicalement, on part d'une mélodie minimaliste au piano et de cette fameuse cloche qui donne le tempo, la guitare et la batterie n'arrivant qu'au bout d'une minute. L'orchestration s'enrichit au fur et à mesure que le morceau avance et tout se termine par un refrain doublé, enchaîné à un solo mo.nu.men.tal à l'électrique qui fond peu à peu dans les brumes londoniennes. La cloche du Parlement revient à nous pour signifier à tout le monde que le temps passe et les décisions se prennent, avec ou sans nous.

Merci au temps qui passe, justement. Merci aux décisions, bonnes ou mauvaises, qui rythment nos existences et n'oublions jamais que l'immobilisme fait de nous des morts vivants. La route est belle car elle mène toujours quelque-part.

Merci Pink Floyd.

 
 
 

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