PORCUPINE TREE : Arriving somewhere but not here (2005)
- Tonton Touane
- 12 mai 2020
- 4 min de lecture
(ou le retour de l'obsession adolescente)

Il y avait des lunes que je n'avais subi un choc aussi important. Je mesure ma chance de «public» quand je me rends compte que, même après avoir écouté des centaines de groupes, une œuvre musicale peut littéralement me retourner le crâne et y emménager pour une période pour le moins longue. Le destin, le hasard, que dis-je, le doigt de Dieu! (rayez la mention inutile) a voulu que je m'intéresse à la chaîne Youtube Breakfast in Backstage (aujourd'hui défunte, malheureusement) dont un épisode était consacré aux diamants du rock progressif. Je l'ai déjà dit dans mes précédents papiers, je ne suis pas, mais alors pas du tout un spécialiste de la chose, puisque lorsque j'ai commencé à grattouiller du nylon et à martyriser des peaux de batterie, j'avais jeté aux orties les techniques savantes, portées, modes et autres métriques qui m'éloignaient de la sève du rock, c'est à dire l'énergie sauvage. Et la déglingue.

Mais comme le disait je ne sais quel philosophe de la communication, «sans maîtrise, la puissance n'est rien». Alors j'ai rouvert mes chakras et fermé ma gueule, ce qui est toujours mieux que faire l'inverse. Un pan entier de l'Univers s'est livré à mes oreilles et quelques groupes ont trouvé grâce à mes sens.
Porcupine Tree est un exemple. Et quel exemple! En un seul extrait live, le groupe a mis mon cerveau à genoux (c'est pas fastoche, croyez-moi, les amis...) et je me suis empressé de retrouver la source de ce morceau de...un peu plus de...douze putain de minutes!Je serais certainement brûlé en place publique par mon moi de 18 ans pour avoir osé écrire cela, si cela était possible, mais heureusement, ça ne l'est pas, puisqu'on vit dans un monde dénué de portail spatio-temporel. Enfin je crois. Tu crois? Demandons à Lil Wayne.

Avant ce titre judicieusement nommé Arriving somewhere but not here, qui au passage décroche un prix d'estime pour sa longueur (pas facile à chuchoter comme requête à l'oreille du DJ de la Scala lors d'une soirée infirmière de Villeneuve-sur-Lot), je n'avais de respect que pour les missiles courte-portée, oscillant entre 1 minute pour le meilleur du punk hardcore et 3min30 pour les quelques groupes à solo que j'affectionnais. La longueur maxi était autorisée pour les joyaux de mon enfance, tels Bohemian Rhapsody, ou Stairway to Heaven (respectivement 6 et 8 minutes)...Mais là, douze minutes, j'ai carrément le temps de cuire deux œufs et de les manger sans me brûler la margoulette!
Les morceaux à rallonge racontent souvent une histoire, avec (et je sais que ça va faire plaiz à Alexandre Astier, un très bon lecteur à moi) : un début, un milieu et une fin (ouverte, de préférence). Et s'il n'y a pas de récit à proprement parlé, il s'agit alors d'une introspection de la part de l'auteur. La direction artistique est très souvent axée sur le côté organique, les sensations sont le résultat d'une intense recherche et d'une qualité d'exécution en général plutôt balèze. C'est pas les New-York Dolls, quoi... sur Avant eux, Pink Floyd, Genesis, Yes - que je n'arrive pas toujours à blairer malgré beaucoup d'efforts d'écoute – et King Crimson ont semé les cailloux brillants de la musique psychédélique sur le chemin et il m'est possible de m'évader sans quitter mon fauteuil rien qu'en écoutant et en lisant les paroles d’œuvres que d'autres que moi vous chroniqueront avec bien plus de savoir et de talent.
Steven Wilson, le chanteur/guitariste/producteur/boss/D.R.H a fondé le groupe afin de donner vie à ses créations musicales en 1987, en inventant un background assez rocambolesque. Pour cela, il a composé du matériel sonore évoquant les années 70, des faux séjours en prison, une légende invérifiable aux yeux des non-avertis. Ça sent le gros mytho sur le début, mais très vite, la réalité va rejoindre la fiction et le groupe formé autour de l'Anglais un peu barré va enregistrer pas moins de 10 albums. Diantre! Pour un groupe méconnu, ils ont une belle carrière!
Le line-up du huitième effort, Deadwing, dont est issu Arriving(...) en 2005 est constitué, outre Wilson, de Richard Barbieri aux claviers, de Colin Edwin à la basse et de Gavin Harrison derrière les fûts. On peut noter la présence de Mickael Akerfeldt du groupe suédois Opeth aux chœurs et à la guitare solo (il est aux manettes dans la seconde partie du titre), ce qui nous situe un peu l'ambiance pesante du bouzin.
À l'origine, le disque devait servir de bande-son au film de fantômes écrit par Wilson et Mike Bennion, un pote réalisateur de spots commerciaux et autres projets d'animation pour la télé. Mais celui-ci ne verra jamais le jour, pour d'obscures raisons. L'écriture du scénario (et donc des chansons qui lui sont associées) avait pourtant été inspirée par deux patrons du long-métrage : David Lynch et Stanley Kubrick. Rien que ça. La violence, la mort, le réveil spirituel, la perte de repères et le questionnement sont au centre du morceau qui me hante ces derniers temps. Charming, isn't it?
Bref, en un mot comme en cent, l'obsession musicale n'est pas forcément mauvaise, elle peut nous pousser à défricher de nouvelles terres et aller à la rencontre de plein de types. Hahaha. Sauf Baby Shark, peut-être. Re-hahaha.
Comments