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THE OFFSPRING : Smash (1994)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 4 juin 2020
  • 8 min de lecture

(Alors, c'est du punk? Pas du punk?)

Nous sommes en 2003. Je sors du Nul bar Ailleurs, à Limoges, où nous avons donné un show en compagnie des toulousains de Bolchoï. L'orga est assurée par une asso antifasciste composée de braves types tondus qui croient au pouvoir du peuple et à la mixité sociale, et la soirée est un succès. Tout le monde semble ravi et l'on nous propose de continuer la soirée dans un bar associatif dont j'ai oublié le nom. Là, Antonio, mon frère chanteur/bassiste me chuchote à l'oreille : « Bon, on fait gaffe, pas trop boire, pas top dire de conneries, j'ai envie de revenir jouer ici. Mais j'ai entendu l'un des mecs nous traiter de punks de carte postale... » Référence au look différent que nous arborions à l'époque, crête de 30 centimètres, spikes décolorés et perf cloutés en guise de costume de travail... C'est sûr que dans une salle bourrée de skins plutôt branchés politique et bretelles, on nous repère à dix bornes. Nous sommes trois, ils sont une bonne trentaine.

Évidemment, la suite est épique: au bout que quelques litres, le même gus qui nous a « posterisé » est derrière le bar et lance un morceau, The Kids aren't all right de The Offspring. Il a l'air de bien kiffer. Et il continue de baver sur notre dégaine face à mon brave camarade andalou qui, oubliant son calme au fond du verre, s'appuie sur le comptoir et lui colle sa main dans la gueule. Néanmoins, on évite la grosse séance de bourre-pif , la soirée se termine bien, le provocateur est viré du troquet et on passe un autre disque.

Le souvenir que j'évoque là pose une question qui mérite d'être posée: The Offspring, c'est légitime, chez les punks d'ici?

Non, parce que je ne sais pas vous, mais moi, j'aime profondément les quatre premiers albums du groupe californien. La suite, j'ai pas écouté, par manque de rigueur et d'ouverture de ma part, sans doute. Il n'empêche que les groupes de la côte Ouest on souvent eu mauvaise réputation dans le milieu musical politisé que j'ai fréquenté. Le « punk à roulette », comme on l'appelle, par opposition au streetpunk européen des années 90. La faute en revient (dans mon esprit) aux groupes français qui ont calqué leur image et leur son sur cette culture étasunienne axée sur le fun, le skate, les gonzesses et la fête dans des gobelets en plastique coloré. En Europe, le punk s'est ancré dans le mouvement social, ses textes sont empreints de lutte et de déchirement. La vision artistique sur le vieux continent est moins légère, plus « adulte » que chez nos cousins héritiers de la surf music et du Springbreak. Et puis il est difficile de poser un ollie-flip avec une paire de rangers ou de para-boots aux pieds. Le top, c'est quand même les Vans. Et le punk n'aime pas les vans. Ça fait moins mal en cas de baston. Et d'ailleurs, puisqu'on est là, les verres en plastique, c'est nul. Tu bois au goulot ou tu dégages. Je grossis à peine le trait.




Ici, point de concours de t-shirt mouillés ou de bazooka à eau dans les concerts, mais une mine renfrognée, un mélange dans une main, une clope dans l'autre et une violence intérieure à peine contenue.

Je me souviens avoir vu des groupes se faire cracher dessus en entrant sur scène parce qu'ils avaient l'air heureux ou «gentils».

L'album Smash est à ce jour le plus vendu du groupe The Offspring, mais aussi parmi les disques sortis chez label indépendant (l'excellent Epitaph Records). Treize millions de copies dont 650000 en France! En voilà, des chiffres d'une autre époque! La même année, Green Day sort Dookie qui reste à ce jour leur plus gros succès commercial, et les deux groupes vont faire émerger le style pop-punk dans les coins les plus reculés du globe, au moment où Nirvana explose en plein vol.

La nature a horreur du vide. La galette que j'installe dans le poste de ma progéniture (haha!) m'accueille d'une voix chaude et détendue. It's time to relax avec un verre de vin et un fauteuil confortable, et bien entendu, une oreille tendue vers les mélodies pour se faire plaisir. On est installé dans un salon qui sent le livre ancien et dans lequel un bon feu crépite.

À peine le temps de déguster une lampée de bien-être que nous voilà catapultés dans le vif du sujet. Nitro enclenche la première et nous incite à vivre pleinement comme si cette journée était la dernière. Le monde d'aujourd'hui est un scénario catastrophe et les flingues se baladent partout. Ce monde veut ta mort et il faut goûter chaque instant comme s'il n'y avait point de lendemain... Il y a bien longtemps, Michel Fugain et le Big Bazar nous l'avaient déjà fortement conseillé dans Chante la vie chante. Et des vieux mecs tout chelous qui répondaient au nom d'Epicure, Horace, Ronsard...et J.M Couleau, mon prof de philo. Que des keupons en toge et Doc Martens. Comme quoi, les vieux ont parfois raison. Et l'attitude punk se résume à ça, selon moi: Il est urgent de profiter de la vie, car prévoir, c'est se préparer à être déçu.

Donc Nitro reprend les stoïciens et les épicuriens, nous v'là bien partis.


La troisième plage est Bad habits, et ce morceau a le pouvoir de me faire péter les plombs, musicalement. Intro basse/voix (Greg K. et Dexter Holland) , puis la rythmique s'emballe et c'est la course effrénée. C'est l'histoire d'un gars qui conduit normalement mais pète une durite et se met à rouler comme un dingo sur la route et fonce sur les gens, un flingue à la main...attendez, c'est pas ce qui s'est passé dans les dernières attaques terroristes?

Oh mon Dieu,les agents dormants de DAECH écoutent en secret du Offspring!



Gotta get away est un down-tempo lourd et martial, les guitares et la basse martelant les coups de caisse claire comme une déflagration mentale. La même qui est décrite dans le texte, en fait. La paralysie psychologique et sociale font de cette génération une véritable bombe à retardement.Le clip réalisé par Samuel Bayer est simple, efficace et terriblement immersif. Un pogo mis en scène comme un champ de bataille.

Un exutoire autant qu'une mise en abîme du chaos intérieur.


Genocide évoque la peur de l'autre. Cette méfiance envers son prochain qui fait qu'on préfère souvent lui marcher dessus plutôt que de lui serrer la paluche. Le petit solo de transition refrain/couplet sera repris à la fin du disque, après l'outro de Smash (parlée, comme l'intro). À ce propos, n'oubliez jamais de laisser votre disque tourner jusqu'au bout, des surprises peuvent arriver en cours de lecture.


Something to believe ina exactement le même tempo que le titre précédent, il aurait pu être enchaîné à la suite, à l'aide d'une technique très difficile de D.J : le Crossfader. Mon neveu fait ça à la perfection. Là encore, je n'émet pas de critique, c'est juste une boutade en passant. J'ai assez pratiqué le punk-rock pour savoir qu'il n'y a pas cent vingt patterns différents. Le « Toum-pa-Toumtou-pa » a encore de belles décennies devant lui. Et c'est chouette!

Enfin, bref, pour revenir au morceau, il est un poil en dessous des autres selon moi. On ne peut pas avoir que des chefs-d’œuvre dans un album, fût-il composé par Dieu elle-même. Oui, je parle de toi, PJ Harvey.


Par contre, le gros bouzin se remet en route sur Come out and play, le single qui a popularisé le combo californien. Le batteur Ron Welty a ses petits secrets...il tapote le pied de charleston (le machin qui fait « Tssss-Tssss ») pour donner une couleur orientale à l'intro, couleur cuisinée à la sauce curry par le gratteux binoclard Noodles. Le reste de la rythmique est plus standard, ce qui crée un décalage intéressant entre deux lyrics du père Holland... qui s'appelle Brian, en fait. Le bol, hein, t'imagines, s'il s'appelait François, ou bien Fromage?

Bref, ce titre est encore joué sur scène, non seulement par the Offspring (oui, ils continuent à tourner, quand le Covid-19 ne bloque pas la rotation de la Terre), mais aussi par tous les groupes de reprises de mon âge. J'ai toujours le même plaisir à bastonner cette chanson à chaque réunion d'anciens du lycée. Salut les Jerks!



Pas aussi sûr pour Self Esteem, qui m'a donné cette impression de vieillir prématurément...à peine quelques mois après sa sortie, elle me gavait déjà, contrairement au reste de l'album. Curieux, non? Certainement la lassitude de cette intro dégueulasse, qui consiste à brailler le riff (avec fausses notes, qui plus est). Les élèves du collège répétaient à l'infini ce chant choral en remuant des cheveux, ce qui me mettait hors de moi. La radio nous matraquait la tête et le troupeau ne retenait que les quatre premières secondes. J'y voyais une volonté d'ignorer un vrai morceau générationnel. Mais je vois le mal partout. Mes aînés ont vécu cela avec Smoke on the water et nous avons tous connu l'exemple de Seven Nation Army (brrrrrrr).



It'll be a long time me pose un problème de rythmique: lorsque vient le refrain, le temps fort est sur la caisse claire, alors que le couplet s'appuie sur la grosse caisse. C'est juste que le chant se décale, la batterie de Welty n'est pas en cause,mais ça rend le truc bancal et je ne peux point le danser correctement. Malgré tout, le titre est percutant comme un C.R.S et les rotules ont dû céder par dizaines dans le mosh-pit...


L'unique reprise de la set-list est Killboy Powerhead, un titre de the Didjits. Ce groupe de la scène punk de l'Illinois, et qui a produit 5 albums en 7 ans. Le kiff, c'était les gangsters et les grosses bagnoles, non sans un humour pour le moins sarcastique. Le thème sort un peu de l'écriture des californiens, mais l'instru est carrément démente!



Et si la légèreté survenait sur le titre suivant, What happened to you? Légèreté, dites-vous? Mais bien sûr...Didier Holland règle ses comptes avec un pote qui a cramé sa vie en sniffant tout ce qui passait à portée de pif. Un thème récurrent dans le rock, qui touche aussi bien les musiciens que le public. On ne sait pas exactement à qui s'adresse la chanson, mais le texte est personnel et on sent l'implication du chanteur. Ceux qui ne lisent pas ou n'écoutent pas les paroles trouvent le morceau sautillant, joyeux et...c'est fort dommage. Le ska a cet effet sur tout le monde, de pouvoir mettre sur musique ensoleillée un texte aussi sensible. Avec le recul, c'était couillu. Le ska et le rocksteady ne sont pas joyeux. Ils sont exotiques. Pas pareil.


La violence et le désarroi sont à nouveau de la fête sur So Alone, joyeuse chansonnette qui démontre qu'on peut brûler en 1min15 toutes les calories présentes dans une belle portion de tagliatelles alla carbonara de ma fabrication. Court, jouissif, deux cafés, l'addition.


L'avant-dernière piste est, avec le recul, vraiment bien torchée. Le texte de Not the one est grave, sans entrer dans l'accusation facile. Jean -Michel Holland récuse toute responsabilité dans la situation sociale et politique du monde dans lequel lui et sa génération grandissent. Point. Ce texte est d'une maturité étonnante de la part de jeunes branleurs fans de skate et de bière. J'en viens même à croire que ce groupe a une conscience qui va au-delà de son public. Il s'adresse aux adultes. Il fallait que je me penche sérieusement sur cet album que je récitais par cœur (en yaourt) pour m'en rendre compte. Merci, les gars!


Enfin, last but not least, Smash. Le titre qui a donné son nom au disque arrive pour enfoncer le clou, défoncer la planche et péter deux doigts en passant.

« Je suis pas un trouduc à la mode, je fais ce que je veux, comme je le sens, car je suis vivant. » La jeunesse empoisonnée par la télé et la surconsommation, selon les représentants élus par le peuple, fait justement l'inverse de ce qu'on attend d'elle. Elle déclare par le biais de ses artistes son indépendance et son refus d'adhérer à une ligne prédéfinie.

Au milieu des années 90, on casse les moules de la décennie précédente, sans savoir qu'on est en train d'en fondre de nouveaux. Les groupes émergeant du punk, du grunge, ou du néo-métal vont peu à peu entrer dans l'arène du show business et nombre d'entre eux vont se faire engloutir. The Offspring va malheureusement faire partie du lot, sacrifiant sa fraîcheur sur l'autel du grand capital en quittant le monde des labels indépendants pour Columbia Records, filiale du géant Sony.


À mes yeux, c'est ça qui rend le groupe compliqué à aborder pour un punk de base. Le côté commercial a toujours débecté les puristes, quel que soit le genre. Et il ne faut pas oublier la différence entre la musique américaine et européenne.

Mais s'il faut retenir une chose des quatre d'Orange County, c'est leur volonté de s'émanciper des codes imposés par les adultes. Leur quête de sens et leur amertume face à la réalité est commune à tous les adolescents. Le punk est un adolescent. Parfois pour toujours.



 
 
 

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