top of page

THE PRESIDENTS OF THE UNITED STATES OF AMERICA (1995) vs LE CHANTEUR DE MEXICO (1951)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 16 déc. 2019
  • 6 min de lecture

(ou comparer l'incomparable avec un cerveau définitivement tordu)



Il est peu probable qu'une telle proposition ait été un jour écrite, verbalisée, pensée. Comparer le trio grunge/pop-punk de Seattle (naaaaan, pas çui-là, l'autre) à la Voix d'Or de l'opérette, le prince du Bel Canto, revient à comparer une berline allemande à une brosse à cheveux. Il n'y a presque aucun point commun entre ces deux entités musicales, et pourtant, ce sont deux références qui se bousculent dans mon esprit lorsque je fais le point sur mon histoire en chansons. Ma personnalité artistique passe par Luis Mariano ET par PUSA (ouais, bon, je vais pas répéter le nom en entier à chaque coin de phrase, ça va m'énerver...). En fait, ce «presque» change tout. En effet, il y a une musicalité hors norme dans ces deux univers et l'énergie portée par leur interprétation m'a profondément marqué dès la première écoute. L'opinion publique sert aussi de juge, puisque je suppose que TOUS les karaokés de France ont dans les profondeurs de leur catalogue le divin Mexiiiiiicoooooo pour le plus grand bonheur des amateurs de franche rigolade ou, plus secrètement, pour donner une occasion de montrer son bel organe en public... y'en a qui osent, tout, j'te jure. Dans ce même catalogue, des titres comme Lump ou Peaches auront un certain succès, mais certes moindre, puisque le challenge vocal n'est pas de mise et la moquerie n'a pas lieu d'être. C'est vrai, tu te moques plus aisément d'un classique de tes grands-parents que d'un hymne générationnel des nineties. Laissons nos petits enfants s'en occuper.

Mais revenons-en, mes chers petits, à nos croûtons, je veux évidemment faire allusion à la génération qui a bien connu la deuxième guerre, celle où il a pas fait beau.

Mariano Eusebio Gonzalez y Garcia, plus connu sous le nom de Luis Mariano, est né à Irùn, au Pays Basque espagnol, le 13 août 1914. Par superstition, sa maman va demander à l'agent d'état civil de reculer la date d'un jour. Il va connaître trois conflits armés, leur maison va être bombardée en 36 par l'armée Franquiste, mais bon, ça valait le coup d'essayer... Son existence va être chamboulée par le déracinement, puisque pendant les premières années de sa vie, la jeune famille se réfugie à Bordeaux et le gamin chante dès la maternelle dans une chorale. Après un retour au pays et une scolarité franco-basque, le jeune Mariano va enchaîner les répétitions à la chorale de l'église et se fait remarquer pour sa voix d'une tessiture remarquable. Pendant la guerre civile, retour à Bordeaux où papa va enlever le bleu de mécanicien pour mettre une casquette de chauffeur de taxi et maman ira de ménage en travaux de couture. Mariano lutte contre le général Franco à sa manière en chantant au sein du groupe vocal Eresoinka pour la communauté de résistants espagnols réfugiés dans les capitales européennes.



Sa carrière est lancée en 1943, après avoir reçu l'aide de Jeanne Lagiscarde, disquaire influente sur Bordeaux, et surtout l'enseignement de Miguel Fontecha, un ténor Basque hautement reconnu. Il se tourne vers le bel-canto, moins contraignant en terme de style et d'hygiène de vie, que l'opéra.



Il participe à des spectacles en public et autres retransmissions radio, puis l'opérette La Belle de Cadix (et ses yeux de velours) lui ouvre en 1945 les portes de la gloire. Lorsque Le Chanteur de Mexico déboule sur les planches en 51, sous la baguette de Francis Lopez, il est considéré comme un dieu vivant sur scène, tant en Europe qu'en Amérique du Sud. Il chante partout, tourne une vingtaine de films et même la vague yéyé des années 60 n'aura que peu d'effet sur sa carrière. Le public le suit et Luis Mariano semble indéboulonnable... Jusqu'en 1969, où il monte un ultime projet avant de faire un malaise sur la scène du Chatelet, à Paris. Il quittera les planches, et la vie le quittera à son tour quelques mois plus tard, des suites d'une hémorragie cérébrale, due sans doute à une hépatite non diagnostiquée.

Il est mort le quatorze juillet 70. Pas le treize. Par superstition, sans doute.


Exactement vingt-trois ans plus tard, à Seattle, état de Washington, trois chemises à carreaux se mettent à jouer ensemble. Aux commandes du vaisseau, il y a Chris Ballew, qui écrit et tient le rôle de chanteur/bassiste (ah oui, il joue de la basitar, en fait), puis viennent Dave Dederer, à la gratte (à vrai dire, c'est plutôt de la guitbass, qu'il joue, le mec) et Jason Finn aux fûts (...non, lui, c'est un individu normal. Tant mieux, on est passés à deux doigts de la fracture cérébrale collective). Les deux premiers étaient déjà collègues dans différentes formations mineures, mais Finn avait œuvré au sein de Love Battery et Skin Yard, le groupe de Jack Endino, l'ingé son qui va entre autre nous offrir la vague grunge entre deux bières. Le label Sub Pop, Mudhoney, Soundgarden, Nirvana... voilà l'entourage du batteur des Presidents of the United States of America.

Ah, l'origine du nom est bête, Ballew a désigné ainsi ses copains de scène un soir en 93 et le nom est resté. Vous le savez, les noms à rallonge sont toujours un peu chiants à prononcer lors d'une discussion à bâtons rompus dans une cave bordelaise ou lors d'un contrôle routier en revenant de festoche. Alors je dirai the Presidents. Ou les trois clampins. Ballew, Dederer et Finn prennent tout le monde par surprise, l'industrie musicale en preum's, avec leur premier album en 1995 (le titre est le même que leur nom, toi même tu sais...). Celui-ci déborde d'énergie pop et d'humour potache. Il est question de petit chat, de vieil homme sous un porche, d'une fille qui s'appelle Lump, ou de pêches. Certains des textes de Chris Ballew auraient été écrits en plein délire médicamenteux alors que l'auteur luttait contre une pneumonie. Ça nous change de la légende des trips sous L.S.D, ou autres champignons ultra-performants chez les rock-psychés.



En tout cas, merci au toubib qui lui a prescrit ces machins. Grâce à lui, on tient là un bâton de dynamite sonore. La formule est simple, la rythmique est soutenue et groovy, chose qui restera sur tous leurs albums suivants. La signature est déjà reconnaissable, et si j'ai perdu de vue le groupe au fil des années, je suis capable de le reconnaître entre trois cent vingt-deux autres formations. La faute en revient à un choix intéressant. Enlever deux cordes à la basse et trois cordes à la guitare, voilà comment simplifier les accords et tourner autour d'un riff. La sonorité est organique, presque liquide... Et les trois musiciens chantent et se parlent lors de l'enregistrement. Ils se permettent même de recommencer l'intro alors que la bande tourne! (We're not going to make it) Tout est sujet à plaisanterie, même lorsqu'ils font allusion à un copain qui reste constamment assis sur son canapé à mater la télé comme un zombie! D'ailleurs, voici un clip de Boll Weevil réalisé par un fan, puisqu'il n'y en a pas d'officiel. L'essence-même de la culture white trash racontée de manière factuelle et hilarante.



Le trio se fend d'une reprise sublime et express de Kick out the jams, hymne proto-punk de 1969 écrite par MC5, méga groupe légendaire dont je reparlerai sûrement dans d'autres aventures.

J'en passe et des plus mûres, ce coup d'essai est un coup de maître. Les ventes explosent et la maison d'édition Columbia va engranger beaucoup de billets verts sur ce monstre de curiosité.

Par la suite, les Presidents vont sortir un deuxième disque (plus sobrement intitulé II) et tourner un peu partout dans le monde, avant de se poser les années suivantes, ne sortant de leur tanière que pour un featuring local avec Sir Mix-a-lot, une collaboration moins évidente avec Duff Mc Kagan des Guns n' Roses (qui est originaire de Seattle, lui aussi!) ou jouant pour des causes environnementales et politiques. Officiellement, le groupe a pris sa retraite après vingt-trois ans de carrière jalonnée de six albums studios, un live, et d'arrêts pipi plus ou moins longs.


Le but de ma manœuvre n'est bien entendu pas de mettre sur un ring un interprète de chansons populaires du milieu du siècle dernier et un groupe de rock des années 90. Les ventes, la reconnaissance de leurs pairs, l'héritage laissé sont colossaux dans les deux coins, mais les époques où sont apparus ces phénomènes sont deux mondes à part. Pour faire un lien véritable, il aurait fallu que les Presidents reprennent un titre du répertoire de Luis Mariano, mais à ma connaissance, leur version de Ça plane pour moi de Plastic Bertrand est le seul truc en français de leur carrière. Et c'est pas du Bel Canto. Non, non, non!

Non, le lien, c'est l'auditeur. C'est moi.

J'avais environ 5 ans lorsque ma mère m'a mis en présence du rossignol d'Irùn et une passion pour le beau chant en a découlé, ainsi qu'une sensibilité aux voix puissantes et lyriques. Le rock est venu se greffer quelques années après, pour se mêler à un peu tout ce qui gravitait autour. D'où mon amour pour Queen, Deep Purple, Muse, Tenacious D ou encore Steel Panther (rayez ce qui vous fâche, moi j'assume). En gros, tout ce qui a une grande voix et qui bastonne à la fois me touche.

Je me rends compte que la passion musicale naît de rencontres fortuites, et comme en amitié, on est parfois amener à côtoyer des univers différents, voire opposés. À moi de les reconnaître et de les cultiver, sans quoi je deviendrai très vite un gros con. Joyeux Noël !





 
 
 

Kommentare


© 2019 by Laura P. Proudly created with Wix.com

Abonne toi ou je te pète un bras ...

bottom of page