THE SMASHING PUMPKINS: Today (1993)
- Tonton Touane
- 12 janv. 2021
- 4 min de lecture
(la mélodie du bonheur, ou presque)

Salut à vous tous, bonne année, la santé, surtout en cette période sanitaire carrémenblablabla, ta sœur, voilà. Salut, disais-je, c'est moi que revoilou. Tatataaaan ! Ah non, c'est pas moi, ça, c'est l'autre.
Il existe dans le spectre de la musique contemporaine des fulgurances artistiques qui font que l'on reconnaît un morceau, un groupe dès les premières secondes. Celui-ci doit faire partie de mon Panthéon personnel, vu qu'il m'est impossible de faire quoi que ce soit lorsque j'entends cette mélodie de guitare. Ce putain d'accord en Mi bémol majeur égrené quatre fois de suite me tétanise à chaque fois, et si quelqu'un a le malheur de me parler en même temps, je suis pris de convulsions signifiant qu'il est encore temps de fermer sa gueule...bref, cette chanson m'a touché quelque part, et peut-être là aussi.

En 1993, les membres de Smashing Pumpkins et un certain Butch Vig (juste le batteur de Garbage et accessoirement producteur de Nevermind, s'tu veux) sont en studio à Marietta, Georgie, à plus de 1000km de leur base de Chicago, loin de la pression imposée par leurs amis, les journalistes, mais aussi les copains de défonce et autres dealers d'héro, le dada du batteur Jimmy Chamberlain. En effet, il souffre d'une addiction qu'il est difficile de s'en dépatouiller, d'autant plus qu'il est dans le nouveau groupe préféré des ados américains, the next Nirvana, en somme.
Le leader/frontman/chanteur/guitariste/gourou de la formation, Billy Corgan, doit faire face aux nombreux risques que comporte la réalisation d'un deuxième album, après le succès inespéré de Gish en 91 (plus de cent mille copies vendues dès la première année aux U.S.A, presque deux millions de plus à ce jour). Entre temps, la relation intime entre le gratteux James Iha et la bassiste D'arcy Wretzky s'essouffle et le couple doit trouver la motivation et la force de continuer à jouer ensemble malgré l'ambiance qui rendrait nerveux n'importe quel chanteur de Coldplay.
Alors je résume : un couple qui bat de l'aile (j'ai toujours trouvé cette expression aviaire un peu chelou, en fait), un batteur sous drogues qu'on force à se sevrer (si vous voulez mon avis, ça marche pas.) et...ah oui ! Un chanteur dépressif et boulimique qui se demande s'il va se tuer ou pas avant la fin de la prod. Et que nous donnent tous ces ingrédients dans la machine à rock? Un album bourré de tubes mélancoliques et violents, ma p'tite dame !

Le titre qui fait écho à cette ambiance cotonneuse et lancinante est sans aucun doute Today, qui, je dois l'admettre, m'a copieusement trompé durant des années. Je m'explique.
Dès l'intro, dans une tonalité majeure, je vous le rappelle, on pense avoir affaire à un machin sautillant, guilleret et pop à en pisser des couleurs partout, sans compter les deux premières lignes de chant les plus positives de l'univers : « Today's the greatest day I've ever known », comprenez « Aujourd'hui est le meilleur jour de toute ma vie »... si avec ça on est pas dans de bonnes conditions, allez fumer un bon gros cèdre.
Hé bé non, tout faux, l'ami Toinette! (qu'est-ce qui m'arrive ? Faut que j'arrête de m'appeler comme ça, moi.) En fouillant plus loin dans les paroles, jeune con, tu aurais certainement remarqué le ton du gars Billy est faussement joyeux et induit une certaine urgence à profiter de ce moment car C'EST LE DERNIER JOUR DE SA VIE. Et il n'est pas malade, mourant ou quoi, il va simplement se supprimer. Voilà voilà, je pose ça juste à côté des débris de mon âme d'enfant, ça gêne pas ?
Au moment où l'ami Bilou écrit les textes de l'album Siamese Dreams, dont est issu ce moment de joie ô combien intense, il est en froid avec sa compagne, souffre du syndrome de la page blanche et se bat contre ses troubles alimentaires. Grosso merdo, cela ne pourrait aller pire que ce jour-là. C'est donc ainsi qu'il décide de dire que c'est le plus beau jour de sa vie, celui où il touche le fond. Ensuite, c'est la noyade qui mettra fin au tourment, ou bien la remontée des abysses dans l'effort. Par la voie de l'écriture, de l'art, Billy Corgan a fait le choix de continuer à vivre, et c'est quand même tant mieux car ça m'aura au moins permis de voir les citrouilles en concert lors de la tournée The sacred and profane en 2001 (il y a vingt ans, déjà? Punaise...) et de nous offrir entre Today et… aujourd'hui (haha, rigolez, esclaves littéraires bilingues!) une tripotée de chansons et de concept-albums plus ou moins abordables pour l'auditeur lambda.
La vertu première de la musique est de satisfaire deux besoins, le premier étant de créer et donc exprimer des émotions, et l'autre de recevoir cet effort créatif et en faire quelque chose de positif. Ou de négatif. Mais de toujours en faire quelque chose.
Ce morceau m'a apporté une joie quasi-enfantine à chaque écoute durant des années où je n'entendais que l'habillage sonore, et aujourd'hui que j'en mesure la part émotionnelle du créateur (Corgan, hein, pas dieu, me prenez pas pour ce que je voudrais pas qu'on me prenne pour...), il me donne encore le sourire car sa propre création l'a peut-être sauvé lui-même. C'est vachement profond, dis.
Alors merci Billy d'avoir souffert et d'en avoir fait profiter des millions d'individus, dont moi.
À toi aussi mon lapin, bonne année 2021.
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