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WEEZER : Weezer / Blue album (1994)

  • Photo du rédacteur: Tonton Touane
    Tonton Touane
  • 20 sept. 2020
  • 6 min de lecture

(ou la bande-son de mon cerveau de lycéen)



En 1994, le public rock aux USA réclame du grunge. Ou du power-punk pas trop crado pour vendre des skate et des BMX... Rivers Cuomo est pile ce qui se trouve au milieu, sans toutefois entrer dans aucune de ces catégories. Adepte du jeu Donjons et Dragons, accro au métal des années 70/80, pas plus grand que les figurines qu'il peint, ou que Dio (n'empêche, imagine une figurine de Ronnie James Dio, tu la perdrais dans ta main...) et portant des lunettes qui donnent envie de taper très fort dessus, Cuomo est le geek parfait, écrivant des chansons sur la difficulté à communiquer, les problèmes amoureux ou l'importance de la position sociale en milieu scolaire. Bref, un loser dans toute sa splendeur boutonneuse. Mais l'avantage qu'il tire de sa mauvaise fortune (il est aussi né avec une jambe plus courte que l'autre), c'est son charisme naturel et sa volonté de faire autant de bruit que possible. Et son groupe Weezer, formé en 1992, va lui servir de porte-voix.L'influence majeure de ce premier disque, selon ses propres mots, c'est Pet Sounds des Beach Boys. On ne pourrait lui en vouloir, ses harmonies et progressions d'accords sont tout bonnement magiques.

Le reste du groupe se compose de Matt Sharp à la basse, Pat Wilson derrière les fûts et Jason Cropper à la guitare, remplacé en fin de session car l'annonce de sa future paternité lui a flingué les neurones. Cuomo va réenregistrer toutes ses parties, mais il sera quand même crédité. Il sera remplacé aux chœurs par le nouveau gratteux, Brian Bell. N'oublions pas le membre de l'ombre, Ric Ocasek, ancien leader du groupe new wave The Cars dans les années 80 qui se tiendra derrière la console. Le vieux briscard a été choisi car, bien que le groupe souhaitait produire lui-même son premier album, la maison de disque Geffen a tenu à ce qu'un professionnel s'en charge pour superviser ces quatre glandus qui allaient dilapider le budget en figurines, en cartouches de jeux vidéo, ou pire... en livres. Le résultat de ce travail effectué aux studios Electric Lady à New York (fondé par Jimi Hendrix et Eddie Kramer, siouplaît!) est une pièce maîtresse de mon puzzle musical.

Cet album est intégré dans mon histoire, mon ADN, et ce, depuis la première écoute.Merci à Julien D, mon camarade de collège qui m'a foutu ça dans les oreilles.


My name is Jonas ouvre le bal de fin d'année avec un arpège de Jason Cropper conservé au mix final, qui ne laisse pas supposer l'attaque sonore qui déboule 8 secondes après la première note. L'ordre de mission est clair : les grattes et la basse martèlent dans le même sens les mêmes accords, et fusionnent pour créer un mur électrique. Cuomo et Sharp sont des gars qui envoient le napalm d'abord et font ensuite résonner la poésie sur les cendres fumantes. Bon sang, que c'est bon!



No one else est une complainte high school qui traduit les prémices de la jalousie adolescente. Elle est injuste, excessive, mais surtout drôle à écouter. Je suis de retour au lycée et les émotions ressenties lors de mes premiers émois sont juste là, sous la peau.


Le break d'entrée de The world has turned and left me here semble carrément enregistré dans une salle de bains...bordel,c'est quoi ce mix? Ça résonne dans la pièce, je n'avais plus l'habitude d'entendre ça, après vingt-cinq ans de formatage industriel. Une fois que tous les instrus sont en place, plus aucune impression de vide bien sûr. L'intention du groupe est de sonner «vrai», d'être au plus près du jeu acoustique (on entend parfaitement les coups de médiator sur les cordes) pour être compris du public à qui s'adresse le groupe. J'aime beaucoup ce côté peu produit, fidèle au rock garage de notre histoire commune.


Ma porte d'entrée chez Weezer est le titre, et surtout ce fabuleux clip, Buddy Holly, brillant heavy rock mid-tempo rafraîchissant comme une limonade de chez Arnold. Le clin d'oeil aux années 50 tourne au pastiche, le réal utilisant des scènes de la série Happy Days.La ressemblance entre Rivers Cuomo et le regretté Buddy Holly, s'arrête au fait que les deux sont bigleux, guitaristes talentueux et créateurs de chansons....et c'est déjà beaucoup.À nouveau, le physique compte malheureusement beaucoup dans l'industrie de la musique, et l'asticot ne faisait apparemment pas le poids face aux belles gueules que furent Elvis, Eddie Cochran ou Jerry Lee.Le thème récurent est encore la position défavorable qu'occupe le geek dans la société adolescente moderne, qu'il soit fan de comic books, de heavy metal, ou de jeu de rôle... pourtant, si on jette un œil sur les années à venir, ce sont eux qui dominent le monde de l'industrie et du spectacle, n'est-ce pas?



L'autre gros hit de l'album bleu est Undone - The Sweater song, l'un de leurs titres les plus repris par les groupes amateurs, y compris moi et ma bande de potes, the Jerks. Ce morceau lent et lourd à souhait fascine par sa simplicité et son efficacité. La puissance de composition de Rivers est là, dans son apparente facilité à pondre des mélodies (Le songwriter avouera s'être inspiré du Velvet Underground, puis de Metallica pour écrire le bazar...il aime le bruit, on dirait). Là encore, le texte met en scène un mec qui squatte une fête de surfeurs à L.A, et qui semble venir d'une autre planète.



Le morceau suivant, Surf wax America, est la juste suite de Undone. Le tempo est beaucoup plus élevé, l'ambiance est plus légère et Rivers part faire du surf... jusqu'à ne plus pouvoir rentrer chez lui! Le personnage se moque de son interlocuteur qui part au taf en voiture, et se retrouve coincé sur l'eau. Le second degré est bonnement génial!À noter LA partie vocale harmonique du disque sur ce titre, sonnant Beach Boys, gros coup de coude dans les côtes pour se bidonner, mais hommage appuyé tout de même au gang de Brian Wilson, juste avant une fin punk rock à la Ramones. Pour moi, le mix parfait entre la plage de la côte Ouest et les repaires cradingues de Brooklyn. Un régal à ré-écouter, mes bonzes amis!


Say it ain't so est probablement la chanson la plus réaliste et la plus intime de Rivers sur ce premier opus. Elle fait référence à la découverte d'une bouteille de bière dans le frigo familial et à la peur d'un nouveau divorce sur fond d'alcoolisme. La peur engendrée par la vue de cette foutue cannette d'Heineken est palpable dans le texte et son interprétation. Un morceau qui met des frissons quand on a connu de semblables expériences.



Et comment se prémunir contre les autres, contre la vie qui nous veut du mal ? Ben on se réfugie In the garage, là où les avatars de Donjons et Dragons, les posters de Kiss et de Ace Frehley nous protègent, et on chante des chansons stupides que personne n'écoute. On retrouve l'innocence et la sécurité dans l'univers qu'on s'est créé, le havre de paix.


Holiday est un moment de plénitude, la chanson qui met le smile, car si on se réfère aux paroles, on part sans bagages ni carte routière (pas de GPS en ces temps reculés!) pour suivre l'auteur dans un endroit étrange et distant, ou personne ne nous dit ni vérité ni mensonge. Partir, dans un battement de cœur, juste être ensemble ailleurs. La chanson fut écrite après que le groupe ait signé le contrat avec Geffen et obtenu une avance confortable pour réaliser l'album. Après quelques années de galère, ils avaient gagné le droit de se ressourcer avant de se mettre au taf en studio. Au plan musical, le break doo-wop, après le deuxième refrain, est littéralement inspiré des barbershop quartets qui pullulaient dans les années 50. Cuomo et ses potes se sont beaucoup amusés à chanter de la sorte avant les séances d'enregistrement pour favoriser l'harmonie vocale et humaine au sein du combo. Cet espèce d'anachronisme donne tout son charme à ce titre, qui reste le préféré du batteur Pat Wilson.


La dernière danse de ce bal des invisibles, c'est Only in dreams. Que se passe-t-il dans la tête d'un p'tit mec timide quand il est amoureux d'une fille? Il imagine, mais n'ose pas dire, n'ose pas faire. Seule la pensée lui permet de « vivre » cette expérience à sa façon. Sa présence entre même dans la composition de l'air qu'il respire. Il n'y a pas de déclaration d'amour plus forte que cette chanson. Mais c'est un geek. Il voit, ressent, souffre, mais n'ose pas. Alors il écrit, il compose et joue cette chanson dans son garage, seul, puis avec ses amis, s'il en a. Le riff ultra-simple à la basse ouvre et clôt le titre, comme si on passait d'une personne qui vit ces moment à un groupe entier, puis chacun revient seul dans sa piaule... avec ses rêves.




Je n'avais pas vu la portée existentielle de cet album, puisque je ne m'intéressais au début qu'à l'énergie et au visuel de Weezer. Mais le fait d'entrer dans le texte et la compo de chaque morceau me fait à nouveau pénétrer dans la chambre d'un ado (que j'étais), qui essaye de comprendre la place qu'il occupe dans le monde qui l'entoure. Et qui tente de maîtriser ses émotions, aussi dure soit la tâche.


Écrire des textes, jouer sur scène, publier des articles sur un blog ou masteriser des jeux de rôle permet de purger ces zones d'ombres que chacun d'entre nous possède au fond de son esprit. Créer. Voilà le seul moyen. Merci, Weezer. Je vous doit combien?

 
 
 

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